Le président de l’Association Nationale des Aveugles du Cameroun a reçu la distinction le mercredi 21 septembre 2022 au Yaoundé Hilton Hotel. C’était en marge de la cérémonie officielle d’ouverture du séminaire international d’appropriation des instruments juridiques de promotion et de Protection des Droits personnes handicapées signés et/ ou ratifiés par l’État du Cameroun.
C’est Pauline Irène Nguené, Ministre des Affaires Sociales qui, au nom du Président de la République, lui a décerné la médaille devant d’importantes personnalités de la République et un public trié sur le volet. C’est au titre du 20 mai 2020 que ladite médaille avait été accordée à Paul Tezanou. Hospitalisé à la Clinique Georges Pompidou de Paris, en France, il n’a pu la recevoir en temps réel des mains du Préfet de la Menoua qui était représenté à la cérémonie du Hilton Hotel par son Premier adjoint, Adelphe Vencelas EVAGA.

L’événement inédit couronne le parcours exceptionnel de la toute première personnalité non-voyante au Cameroun à bénéficier de cette distinction du Président de la République.

Paul Tezanou : profil et parcours du médaillé

Né le 30 mai 1953 à Nkoho, village du Groupement Bafou dans le département de la Menoua (Région de l’Ouest Cameroun). Aveugle de naissance, il est le fils aîné d’une famille de cultivateurs avec 7 enfants, dont 3 aveugles et 4 voyants.
N’ayant pas eu l’occasion d’aller à l’école par manque d’encadrement, il a appris le français avec ses frères et sœurs voyants scolarisés, écoutant leurs discussions en français quand ils revenaient de l’école. Il a amélioré son français et appris l’anglais en écoutant son petit poste transistor reçu de sa tante maternelle Metagoh, née Nguetsop Jeanne-D’Arc décédée le 27 janvier 2022 .
Enfant, il accompagnait son père au champ pour récolter le café en attachant une corde à son panier. Il apprit à écraser les grains de café, fabriquer des chaises en bambou, élever des poulets. Il raconte qu’il s’est bien intégré socialement dans la communauté du village grâce aux attitudes de non marginalisation de la part de ses amis voyants du même âge ; c’est ainsi qu’il joua beaucoup au football, parfois même au poste de gardien de buts !
En 1972, peu avant ses vingt ans, l’intelligence et la vivacité de Paul furent remarquées par Sœur Agnès Guyot, de nationalité française. Elle faisait partie de la Congrégation des Filles de la Charité et travaillait à la pouponnière de Dschang. Elle lui fit apprendre la lecture et l’écriture braille, puis l’inscrivit au Centre de formation professionnelle de Buéa (Région du Sud-Ouest du Cameroun).

En deux ans, il compléta avec distinctions sa formation en braille anglophone abrégé et intégré, ainsi qu’en techniques agricoles et en vannerie.
Soucieux de mettre ses connaissances au profit d’autres jeunes aveugles, il réussit à ouvrir un Centre d’accueil à Dschang en 1975 avec l’appui logistique et financier de la Croisade des Aveugles de France (aujourd’hui Voir Ensemble) par le biais de Sœur Agnès. Ses pensionnaires évalués à plus de 50 chaque année, apprennent tous le braille dans ce centre rénové en 2012 avant d’être scolarisés dans les écoles de Dschang et plus tard au-delà de la ville.

Sa lutte constante pour l’intégration sociale, la promotion, le bien-être et l’autonomie de personnes aveugles le porta à la tête de l’Association Nationale des Aveugles du Cameroun (ANAC) en 1985. Plus tard Paul fut un des pairs fondateurs de l’Union Africaine des Aveugles crée en Tunisie en 1987 ; il en devint le Secrétaire Général en 1996 et le Président en 2000, siégeant ainsi au comité exécutif de l’Union Mondiale des Aveugles, l’UMA, de 1996 à aujourd’hui. En 2005 il fut élu à la Présidence du Conseil d’administration de la Décennie Africaine des Personnes Handicapées.

Par son dynamisme au sein de ces organisations nationales, continentales et internationales, Paul n’a eu cesse de promouvoir la scolarisation, la formation, et l’autonomie de la personne aveugle. C’est sur son initiative, par exemple, que de nombreuses bourses ont été accordées à des jeunes filles camerounaises mais aussi rwandaises, tchadiennes et congolaises venues se former à l’Université de Dschang.

A Dschang, il dirige le Centre des Jeunes Aveugles (CJAD), gère les activités économiques liées au Centre (magasin au marché A, café avec débit de boissons, vente d’artisanat d’articles fabriqués par les aveugles), et organise de nombreux cours de formation des formateurs et des ateliers sur des sujets ciblés, tels que le Sida.
Paul Tezanou, c’est donc entre autres, cet ensemble d’actes et d’actions en faveur de ses pairs handicapés qui lui ont valu d’être nommé en 2015 par décret du Président de la République membre de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés du Cameroun. Un mandat qui sera renouvelé avec la reforme subie par cette institution en 2019. L’homme est aujourd’hui Président en exercice de l’Union Francophone des aveugles et administrateur au centre de réhabilitation des personnes handicapées Cardinal Paul Émile léger de Yaoundé.

L’homme a perdu sa voix après une opération chirurgicale qu’il a subie en 2020 à la suite d’un cancer du larynx qui l’a attaqué. Aujourd’hui, c’est à l’aide d’un appareil appelé laryngophone qu’il parvient à parler. Malgré ce désormais double handicap, Paul reste actif et toujours attentif à la situation de ses pairs, handicapés. L’organisation du séminaire international d’appropriation des instruments juridiques de promotion et de Protection des Droits personnes handicapées signés et/ ou ratifiés par l’État du Cameroun en est la parfaite illustration.